Article invité par Loretta Mickley, Harvard University (Traduit par Pierre Allemand)
Tous les étés, dans la plupart des régions des USA, nous nous préparons aux vagues de chaleur. Pendant ces périodes, l’air devient très humide et généralement brumeux. Après quelques jours, un front froid survient, balayant la pollution et mettant fin à la chaleur. Etant donné que nous nous acheminons vers un réchauffement global, les spécialistes de la chimie de l’atmosphère se demandent de quelle façon le changement climatique pourrait affecter la qualité de l’air. Des températures plus élevées signifieront-elles plus de pollution durant ces épisodes ? Ces épisodes dureront-ils plus longtemps ? Plus important : quels sont les effets des changements dans la qualité de l’air sur la santé humaine ?
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Récemment, le National Resource Defense Council (NRDC) a publié un Heat Advisory, un rapport mettant en garde sur le fait que la qualité de l’air ambiant pourrait largement souffrir des changements climatiques. En réponse, un groupe appelé le Pacific Research Institute (PRI), en association avec un autre groupe appelé United for Jobs, a publié le Air Quality False Alarm, critique détaillée des prévisions du NRDC. Le PRI soutient, entre autres, que les émissions anthropogéniques aux USA diminueront fortement dans les décennies à venir. De leur point de vue, la pollution de l’air ne sera plus qu’un souvenir, quelle que soit l’évolution du climat.
Où en sommes-nous en fait ?
Tout d’abord, voyons quelques notions de base concernant l’ozone et les matières particulaires (MP), deux composants essentiels du « smog ». La formation de l’ozone de surface est provoquée par le mélange de précurseurs naturels et anthropogéniques comme les oxydes d’azote et les composés organiques volatils. On possède des mesures de l’ozone de surface remontant à la fin du 19e siècle qui prouvent que la concentration atmosphérique de l’ozone a été multipliée par 2 à 5 dans certaines régions, en raison des émissions de précurseurs d’ozone par les voitures, l’industrie et les centrales de production d’énergie. Les MP peuvent être de plusieurs types : carbone organique, suies, et sulfonitrates d’ammonium. Certains types de MP comme les suies sont directement émises dans l’air, mais d’autres types proviennent de la condensation de molécules gazeuses. Comme l’ozone, les MP sont formées à partir d’ingrédients à la fois naturels et anthropogéniques.
De nombreux facteurs gouvernent la sévérité et la durée des épisodes de pollution. Un facteur évident est l’importance des émissions de précurseurs. Mais, il y a des facteurs météorologiques comme les propriétés de l’air de surface : le fait qu’il soit stagnant, clair ou nuageux, chaud ou froid. Par exemple, l’été 1998 a vu un record du nombre de pics d’ ozone sur la Nouvelle Angleterre. Cet été-là battit aussi le record de chaleur de la région. L’été chaud que l’Europe a subi en 2003 a aussi été un été présentant un haut niveau de pollution pour le continent. Ce même été fut frais aux USA , avec un niveau de pollution bas.
Ainsi, quelle sera l’évolution de la pollution résultant des changement climatiques des prochaines décennies ? Une réponse simple serait : des températures plus élevées signifieront un degré de pollution plus élevé ! C’est en réalité un peu plus compliqué. Il y a en effet d’autres facteurs météorologiques à considérer. Avec l’accroissement de la température de surface, est-ce que l’épaisseur de la couche limite va augmenter, diluant de ce fait les polluants ? Peut-être que les vents de surface plus forts chasseront toute la pollution Quels changements de la couverture nuageuse et des précipitations va-t-on observer ?
Pour venir à bout des problèmes posés par cette complexité, les expérimentateurs de modèles se tournent vers les études de sensibilité. Une étude de sensibilité consiste à changer seulement une ou deux variables et à garder tout le reste constant. Cette méthode de résolution permet d’isoler les effets d’un seul ou de deux facteurs à la fois.
Dans une étude de sensibilité, Aw et Kleemann (2003) ont imposé un accroissement de 5°C sur le bassin de Los Angeles, mais ont gardé constantes toutes les autres variables météorologiques (comme la vitesse du vent) dans leur modèle. L’ozone dans la région s’est accru de 10 – 15 %, mais la concentration des MP de sulfonitrate d’ammonium a décru de 10-15 %. Cela parce que l’ammoniac se condense moins rapidement à plus haute température. C’est un résultat intéressant. Mais, dans le monde réel, les systèmes de hautes températures stables comme celui qui s’était établi sur le Midwest et le Northeast la semaine dernière (18-20 avril) peuvent conduire à la fois à des températures élevées et des hautes teneurs en MP. Sous l’influence de ciels clairs et de vents faibles, les MP peuvent s’accumuler au-dessus des régions sources. Sous l’effet des changements climatiques, non seulement les températures peuvent changer, mais aussi le comportement de ces systèmes de hautes pressions.
Dans mon groupe de recherche, nous avons essayé une étude de sensibilité différente [Mickley et al., 2004]. Nous avons conçu notre modèle afin de tester uniquement l’effet du changement des vents sur la concentration des polluants. Nous avons trouvé que la sévérité des épisodes de pollution régionale dans le Midwest et le Northeast augmentait significativement autour de 2050, par rapport aux valeurs actuelles. Nous avons trouvé également que la durée moyenne d’un épisode passait de 2 à 3-4 jours. Que s’est-il passé ? Notre modèle prévoit une baisse de 20 % de la fréquence des fronts froids balayant les USA, ce qui fait que les périodes de stagnation dans le modèle persistent plus longtemps. Ce qui permet à la pollution issue de phases gazeuses et de MP d’atteindre des concentrations plus élevées.
Une autre étude de modèle [Hogrefe et al., 2004] s’est concentrée sur les effets des changement climatique sur l’ozone de surface. Les auteurs ont trouvé que même avec des émissions de précurseurs d’ozone maintenues à leur niveau des années 1990, le nombre total des « jours de dépassement » augmentait d’environ 60 % sur l’est des USA. (un « jour de dépassement » est un jour où la moyenne du taux d’ozone dépasse le seuil de l’EPA (84 ppb) pendant 8 heures). En raison de la complexité de l’étude, Hogrefe et al. [2004] n’ont pas pu déterminer précisément tous les changements météorologiques (température ? modèle de circulation ?) ayant une influence sur l’ozone de surface de leur modèle. Mais, ils ont trouvé qu’un facteur contribuant pour environ la moitié de l’accroissement était l’augmentation des émissions des précurseurs naturels de l’ozone, qui sont sensibles à la température.
Une des plus grandes inconnues reste, évidemment, l’évolution future des émissions anthropogéniques. La loi sur la propreté de l’air (Clean Air Act) a amené des améliorations très importantes de la qualité de l’air depuis les années 1970. Mais, même si nos émissions doivent diminuer, les conséquences sur la pollution de l’air restent incertaines. Fiore et al. [2002] ont montré que la diminution des émissions américaines pourraient être annulées par des augmentations ailleurs dans le monde.
Plus précisément, l’augmentation des émissions de méthane ailleurs dans le monde pourrait accroître les niveaux de base d’ozone sur les USA, conduisant à une pollution en 2030 analogue à celle que nous avons vue dans les années 1990.
Il y a donc encore beaucoup à apprendre sur les liens entre le climat et la pollution.
Comme l’ozone de surface et les MP ont des effets négatifs sur la santé humaine, il est important de connaître ces liens.
References:
Aw, J., and M.J. Kleeman, Evaluating the first-order effect of intraannual air pollution on urban air pollution, J. Geophys. Res., 108, 4365, 10.1029/2002JD002688, 2003.
Fiore, A.M., D.J. Jacob, B.D. Field, D.G. Streets, S.D. Fernandes, and C. Jang, Linking ozone pollution and climate change: The case for controlling methane, Geophys. Res. Lett., 29, 1919, doi:10.1029/2002GL015601, 2002.
Hogrefe, C., B. Lynn, K. Civerolo, J.-Y. Ku, J. Rosenthal, C. Rosenzweig, S. Gaffin, K. Knowlton, and P.L. Kinney, Simulating changes in regional air pollution over the eastern United States due to changes in global and regional climate and emissions. J. Geophys. Res., 109, D22301, doi:10.1029/2004JD004690, 2004.
Mickley, L. J., D. J. Jacob, B. D. Field, and D. Rind, Effects of future climate change on regional air pollution episodes in the United States, Geophys. Res. Let., 30, L24103, doi:10.1029/2004GL021216, 2004.
Dano says
Good piece Loretta, and the GRL paper looks good.
A question: many of the precursors to O3 formation are VOCs, and (my study area) trees contribute a significant fraction of VOCs to the atm. Tree canopies also can change the boundary layer mixing in cities, making it harder for wind to sweep out the goop in the air.
Were you able, in your work for this paper, to contact anyone and explore whether elevated CO2 levels decrease tree metabolic rates and thus decrease VOC emissions?
Best,
D
Tim says
Unfortunately there isn’t yet much understanding of the large amount of interannual variability in blocking [high pressure systems] seen in the last few decades. So it is very hard to make a prediction of what might happen to blocking in a climate change experiment.
Whilst it is important to consider the possible effects of climate change on problems such as this I think it is best to emphasise that the dominant cause is the availability of the precursor pollution, and that reducing this pollution [by making changes to transport systems and industry] is the best way of tackling this problem.
Dan says
Biogenic VOCs are highly reactive and the emissions are substantial especially in humid, warm seasons. I wonder in the case of blocking patterns leading to drought and well above normal temperatures if biogenic VOC emissions might actually decrease? Short of the vegetation actually dying from the drought of course.
Dusty Bradshaw says
I know this study focuses on ambient air pollution, but has anyone looked into trends to see if we (humankind in developed nations) stay indoors more during heat waves, thereby subjecting ourselves to increased levels of indoor air pollution ? Common sense tells me to stay in where its cool when its hot. Should we be asking if indoor air pollution will become a bigger issue as summers get hotter due to the effects of Global Warming?
DB
Ferdinand Engelbeen says
I have the impression that the prediction of future climate/pollution links is rather speculative.
In the not so long past, the worst pollution was during cold, calm, high humidity weather, at the time coal was used in open fire places, leading to the infamous “pea soup” smog in London, killing elderly people.
Since that time, SO2 and lead were reduced with over 80%, PM10 with over 60% and NOx with over 40% in all Western countries. As NOx is the main driver for low level ozone formation, it’s further reduction should have a large impact.
About biogenical VOC’s: these are mainly formed in summer, where high temperatures and secondly high light/photosynthesis are the primary drivers. Natural VOC’s exceed anthropogenic emissions with a factor 3-8
Some interesting literature about biogenical VOC’s:
http://boreal.fmi.fi/biphorep/report/chapter7.pdf and
http://ethesis.helsinki.fi/julkaisut/mat/kemia/vk/hakola/biogenic.pdf
Loretta says
Responses:
#1 and #3: Yes, the emissions of volatile organic carbon (VOCs) from vegetation play a role in ozone formation. In cities like Atlanta with lush vegetation, biogenic VOCs together with anthropogenic nitrogen oxides can have a significant impact on regional pollution.
The emissions of biogenic VOCs increase rapidly as temperatures increase. But plants also respond to changing CO2. While some plants may flourish in an enriched CO2 atmosphere, VOC emissions may decrease. And as Dan points out below, vegetation may also suffer from heat or water stress in a changing climate. It’s a complicated picture.
I did not include any of these biogenic effects in my simple sensitivity study. I kept emissions of pollution precursors constant. All I wanted to see was this:
if I increase the long-lived greenhouse gases like CO2 in the model and let the
climate respond, what happens to the patterns of air circulation? What I found
was that stagnation events lasted longer in the future model atmosphere.
On the other hand, Hogrefe et al. [2004] did include the biogenic VOCs that Dano and Dan are talking about. Of the effects listed above, Hogrefe et al. [2004] considered only the temperature effect on biogenic VOC emissions. They found a 10-50% increase in these emissions with climate change over the eastern U.S. Unfortunately there isn’t yet much understanding of the large amount of interannual variability in blocking [high pressure systems] seen in the last few decades. So it is very hard to make a prediction of what might happen to blocking in a climate change experiment.
#2. I agree with Tim that more work is needed to understand what controls cyclone (and anticyclone) variability in the observation record. A number of model studies, such as our own, have found a decline in cyclone number in a future atmosphere. The model trends can be explained with mechanisms such as the flattening of the temperature gradient from equator to pole. Improving our understanding of present-day variability will give us greater confidence in what these models say.
I also agree that tackling emissions of pollution precursors is important. But so long as emissions of pollution precursors remain in a kind of middle range (i.e., above natural levels), we can expect that daily weather patterns will play a role in whether or not we have a bad air day.
A changing climate will influence the daily weather and could have consequences for air quality.
Loretta
Tom Huntington says
Along with the potential influences of changes in temperature and moisture on biogenic VOC emissions from individual plant species there are likely to be changes in VOC emissions based on longer-term changes in composition of vegetation [for example, Kellomäki et al. 2001] because of a wide range in VOC emissions among species [for example, Kesselmeier and Staudt, 1999; Kesselmeier et al. 2002]. If climate change results in the large-scale changes in forest species composition as vegetation adapts to a warmer climate as some models suggest [Iverson and Parsad, 1998], these species shifts could influence the rates of emission of biogenic precursors and thus the frequency and intensity of air pollution episodes. The lengthening of the growing season in northern temperate latitudes also suggests a longer period where conditions could increase air pollution risk. I am curious what replacement of spruce-fir and northern hardwood forests with oak and pine-dominated forests in the far northeastern US would mean for ozone attainment in the future.
Iverson, L.R., and Prasad, A.M., 1998, Predicting abundance of 80 tree species following climate change in the eastern United States: Ecol. Monogr., v. 68, no. 4, p. 465�485.
http://www.fs.fed.us/ne/delaware/4153/iverson18.pdf
Kellomäki, S.,et al.., 2001, Impact of global warming on the tree species composition of boreal forests in Finland and effects on emissions of isoprenoids: Global Change Biology, v. 7, no. 5, p. 531-544.
http://www.blackwell-synergy.com/links/doi/10.1046/j.1365-2486.2001.00414.x/abs/
Kesselmeier, J.K., and Staudt, M., 1999, Biogenic volatile organic Compounds (VOC): An overview on emission, physiology and ecology: J. Atmos. Chem., v. 33, no. 1, p. 23 – 88.
Kesselmeier, J.K.et al.., 2002, Concentrations and species composition of atmospheric volatile organic compounds (VOCs) as observed during the wet and dry season in Rondônia (Amazonia): J. Geophys. Res., v. 107(D20), p. 8053, http://www.agu.org/pubs/crossref/2002/2000JD000267.shtml
Lynn Vincentnathan says
In addition to GW contributing to increased pollution, it is also important for laypersons to keep in mind that most human activities that generate GHGs, also generate other forms of pollution to air, land, & water, & many non-environmental harms/costs, when we consider the entire life cycle of products from resource extraction, shipping, manufacture, shopping, consumption, disposal, plus military/government costs associated with protecting/procuring resources/products.
I wish there were better ways to internize a least a few more of the real costs of products and compensate victims better.