par Mike Mann (traduit par Gilles Delaygue)
Les données intrumentales décrivant les changements à grande échelle de la température de surface ne sont disponibles que pour les derniers 150 ans environ. Pour estimer des changements de température de surface antérieurs, il faut ainsi utiliser les quelques longs enregistrements disponibles, ou des documents historiques, ainsi que des archives naturelles ou proxies climatiques, comme les cernes d’arbres, coraux, carottes de glace et sédiments lacustres, pour reconstruire les changements de température dans le passé. En raison de la rareté des données dans l’hémisphère sud, les études récentes ont été focalisées sur les reconstructions de moyennes pour l’hémisphère nord, plutôt que globales, sur les derniers 1000 ans environ.
L’expression “crosse de hockey” fut créée par l’ex-directeur du Laboratoire de Dynamique des Fluides Géophysiques (GFDL/NOAA), Jerry Mahlman, pour décrire la forme commune à de nombreuses estimations, basées tant sur des proxies que des modèles, de la variation de température de l’hémisphère nord au cours du dernier millénaire. Cette forme caractérise un long refroidissement, depuis ce que l’on appelle “l’Optimum Médiéval” (à peu près du 10ie au milieu du 14ie siècle), jusqu’au Petit Age Glaciaire (à peu près du milieu du 15ie au 19ie siècle), suivi d’un réchauffement rapide pendant le 20ie siècle qui a culminé avec les températures anormalement élevées de la fin du 20ie siècle (Figure 1). De nombreux mythes au sujet de la “crosse de hockey” existent sur des sites internet non évalués scientifiquement et d’autres supports non scientifiques.
Pour estimer les changements de température moyenne de l’hémisphère nord, les simulations avec des modèles climatiques utilisent des reconstructions des forçages radiatifs naturels sur le long terme (par ex. volcanisme et insolation) ainsi que ceux anthropogéniques modernes (gaz à effet de serre et aérosols sulfatés). Ces estimations sont en bon accord avec les reconstructions empiriques basées sur des proxies. Une exception notable est une étude par Gonzalez-Rouco et al. (2003) dans laquelle est utilisée une estimation du forçage naturel (insolation et volcanisme) beaucoup plus importante que celle acceptée dans la majorité des études, et qui montre une variabilité plus forte que dans d’autres modèles (Figure 2). Cependant, comme toutes les autres simulations, cette étude montre également des conditions anormalement chaudes à la fin du 20ie siècle.
Toutes les simulations montrent qu’il est impossible d’expliquer les conditions anormalement chaudes de la fin du 20ie siècle sans inclure la contribution des facteurs de forçage d’origine anthropique, en particulier l’augmentation moderne des concentrations de gaz à effet de serre. Un débat sain et vigoureux existe dans la littérature reconnue, évaluée scientifiquement, en recherche climatique, au sujet des détails précis des estimations empiriques (proxies) ou basées sur des modèles des changements climatiques au cours des derniers siècles. Réduire les incertitudes substantielles qui existent actuellement représente un challenge. Cependant, malgré ces incertitudes actuelles, les chercheurs en paléoclimatologie partagent largement la vision que les conditions chaudes du 20ie siècle, à l’échelle hémisphérique, sont anormales sur le long terme (au moins millénaire), et que les facteurs anthropiques jouent probablement un rôle important dans le réchauffement anormal récent.
Des synthèse de la recherche scientifique passée sur ce sujet existent dans les articles suivants, publiés dans des journaux évalués scientifiquement :
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Jones, P.D., Mann, M.E., Climate Over Past Millennia, Reviews of Geophysics, 42, RG2002, doi: 10.1029/2003RG000143, 2004.
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Mann, M.E., Ammann, C.M., Bradley, R.S., Briffa, K.R., Crowley, T.J., Hughes, M.K., Jones, P.D., Oppenheimer, M., Osborn, T.J., Overpeck, J.T., Rutherford, S., Trenberth, K.E., Wigley, T.M.L., On Past Temperatures and Anomalous Late 20th Century Warmth ,Eos, 84, 256-258, 2003.
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Jones, P.D., T.J. Osborn, and K.R. Briffa, The evolution of climate over the last millennium, Science, 292, 662-667, 2001.
FIGURE 1 [reproduite de Mann et al, 2003, Eos, (C) American Geophysical Union]. Comparaison entre des reconstructions de la température de l’hémisphère nord basées sur des proxies (Jones et al., 1998; Mann et al., 1999; Crowley et Lowery, 2000), ainsi qu’entre des simulations de cette température sur le dernier millénaire basées sur des estimations d’historiques de forçages radiatifs (Crowley, 2000; Gerber et al., 2002‚ –résultats montrés pour des sensibilités climatiques de 1.5oC/2xCO2 et 2.5oC/2xCO2; Bauer et al., 2003). Sont également indiquées deux reconstructions indépendantes de la température des continents extra-tropicaux de l’hémisphère nord pour la saison chaude (Briffa et al., 2001; Esper et al., 2002), ainsi qu’une extension sur les deux derniers millénaires basée sur huit séries longues de proxies de température choisies pour leur capacité à contenir des tendances à long terme (Mann and Jones, 2003). Toutes ces reconstructions ont été mises à l’échelle de la moyenne annuelle de l’hémisphère nord , sur une période commune (1856-1980), en utilisant les enregistrements instrumentaux de l’hémisphère nord comme référence (Jones et al., 1999), et elles ont été lissées pour les échelles de temps >40 ans afin de faire ressortir les variations à long terme. L’enregistrement instrumental lissé (1856-2003) est également montré. Les ombrages gris et rose indiquent les incertitudes estimées à 2-sigma sur les reconstructions de Mann et al. (1999) et Mann and Jones (2003). Egalement montrées, des reconstructions de température de surface du sol, pondérée spatialement de façon appropriée (Briffa and Osborn, 2002; Mann et al., 2003) basées sur des données de forages continentaux (Huang et al., 2000), et les tendances pour la température aérienne de surface, déterminées par régression optimale de ces estimations de température du sol (Mann et al., 2003). Toutes les séries sont indiquées par rapport à la période de référence 1961-1990. [ajouté le 12/1/2005: il est à noter (merci à S. Huang pour avoir soulevé le problème) que les deux courbes issues de forages souffrent d’une petite erreur dans la normalisation de la pondération spatiale. Une discussion plus complète ainsi des versions corrigées des estiamtions de température par forage se trouvent dans Rutherford et Mann (2004) (ainsi que dans l’article Jones et Mann 2004, discuté ci-dessus)]
FIGURE 2 [reproduite de Jones et Mann, 2004, Reviews of Geophysics, (C) American Geophysical Union]. Estimations issues de modèles des variations de température de l’hémisphère nord sur les deux derniers millénaires. Les séries ont été lissées sur 40 ans. Les simulations sont basées sur des historiques de forçages radiatifs et utilisent une hiérarchie de modèles allant du modèle unidimensionnel d’équilibre énergétique (Crowley, 2000), aux modèlex de complexité réduite à 2 dimensions (Bauer et al, 2003; Bertrand et al, 2002; Gerber et al, 2003), jusqu’aux modèles 3D de circulation générale couplant atmosphère et océan (“GKSS”, Gonzalez-Rouco et al, 2003; “CSM”Ammann et al., soumis). Montrés pour comparaison, l’enregistrement instrumental sur 1856-2003 pour l’hémisphère nord (Jones et al, 1999), et l’estimation basée sur des proxies de Mann and Jones (2003) étendue jusqu’à 1995, avec son intervalle de confiance à 95%. Les estimations de modèles ont été alignées verticalement pour qu’elles aient la même moyenne sur la période commune 1856-1980 que les séries instrumentales (à qui a été assignée une moyenne de zéro sur la période de référence 1961-1990).
References:
Bauer, E., M., Claussen, and V. Brovkin, Assessing climate forcings of the earth system for the past millennium, Geophys. Res. Lett., 30 (6), doi: 10.1029/2002GL016639, 2003.
Bertrand C., M.F. Loutre, M. Crucifix, and A. Berger, Climate of the Last millennium: a sensitivity study, Tellus, 54(A), 221-244, 2002.
Briffa, K.R., and T J. Osborn, Blowing Hot and Cold, Science, 295 2227-2228, 2002.
Briffa, K.R., T.J. Osborn, F.H. Schweingruber, I.C. Harris, P.D. Jones, S.G. Shiyatov and E.A. Vaganov, Low-frequency temperature variations from a northern tree-ring density network. J. Geophys. Res., 106, 2929 2941, 2001.
Cook, E.R., J. Esper, and R.D. D’Arrigo, Extra-tropical Northern Hemisphere land temperature variability over the past 1000 years, Quat. Sci. Rev., 23, 2063-2074, 2004.
Crowley, T.J., Causes of Climate Change over the Past 1000 Years, Science, 289, 270-277, 2000.
Crowley, T.J., and T. Lowery, How Warm Was the Medieval Warm Period?, Ambio, 29, 51-54, 2000.
Esper, J., E.R. Cook and F.H. Schweingruber, Low-frequency signals in long tree-line chronologies for reconstructing past temperature variability, Science, 295, 2250-2253, 2002.
Gerber, S., F. Joos, P. Brügger, T. F. Stocker, M. E. Mann, S. Sitch, and M. Scholze, Constraining temperature variations over the last millennium by comparing simulated and observed atmospheric CO2, Climate Dynamics, 20, 281-299, 2003.
Gonzalez-Rouco, F., H. von Storch, and E. Zorita, Deep soil temperature as proxy for surface air-temperature in a coupled model simulation of the last thousand years, Geophys. Res. Lett., 30, 2116, doi:10.1029/2003GL018264, 2003.
Huang, S., H. N.Pollack and P.-Y. Shen, Temperature Trends Over the Past Five Centuries Reconstructed from Borehole Temperature, Nature 403, 756-758, 2000.
Jones, P.D., K.R. Briffa, T.P. Barnett and S.F.B. Tett, High-resolution palaeoclimatic records for the last millennium: Integration, interpretation and comparison with General Circulation Model control run temperatures, Holocene, 8, 455-471, 1998.
Jones, P.D., M. New, D.E. Parker, S. Martin, and I.G. Rigor, Surface air temperature and its changes over the past 150 years, Reviews of Geophysics, 37, 173-199, 1999.
Jones, P.D., T.J. Osborn, and K.R. Briffa, The Evolution of Climate Over the Last Millennium, Science, 292, 662-667, 2001.
Mann, M.E., R.S. Bradley, and M.K. Hughes, Northern Hemisphere Temperatures During the Past Millennium: Inferences, Uncertainties, and Limitations, Geophysical Research Letters, 26, 759-762,
1999.
Mann, M.E., Jones, P.D., Global surface temperature over the past two millennia, Geophysical Research Letters, 30 (15), 1820, doi: 10.1029/2003GL017814, 2003.
Mann, M.E., Rutherford, S., Bradley, R.S., Hughes, M.K., Keimig, F.T., Optimal Surface Temperature Reconstructions Using Terrestrial Borehole Data, Journal of Geophysical Research, 108 (D7), doi: 10.1029/2002JD002532, 2003.
donald baker says
Dear RC: I am grateful to find this site. For the most part, it succeeds in presenting a scientific, non-political tone, with lots of useful information. As long as you maintain this non-political stance, the site can do great good. Science is becoming more and more politicized and is in danger, on certain subjects such as this, of losing all credibility in the way that social and political science have done, generally. As a result, we get The Day After Tomorrow and State of Fear, both highly political (the former hysterical as well)and obviously partisan representations of issues. If you can avoid such phrases as “right-wing” or “left-wing” you can contribute much to this important discussion. Yours, Don Baker
Steve Funk says
Does anyone know what caused the medieval warming? I would assume it is not anthropogenic.
[Response: In the modeling studies shown in Figure 2 above, the relatively warm temperatures between AD 800-1200 or so are due to a combination of factors including (1) a relative lack of explosive tropical volcanic eruptions (which can a substantial global cooling influence) in comparison with later centuries. and (2) relatively high estimated values of solar irradiance (though solar reconstructions exhibiting very large century-scale variability, such as that used in the “GKSS” simulation shown in Figure 2, have recently been called into question–see this article in Science by Foukal et al, and references therein). -mike]
How do we know that these processes are not responsible for current climatic variation?
[Response: The same simulations referred to above indicate that natural factors such as volcanoes or solar variations are not sufficient to produce the observed 20th century forcing. The observed 20th century warming ins these simulations can only be produced through the addition of anthropogenic forcing to the simulations. -mike]
How sensitive are estimates of historic temparature variation to changes lasting less than 30 years?
[Response: In general quite sensitive (many historical and “proxy” climate indicators resolve year-to-year temperature variations quite well). -mike]
Why is the 6th century cooling, a disaster which caused widespread starvation in the British Isles, shown as a relatively small blip in the graphs?
[Response:This, again gets at the important distinction, discussed here (see “myth #2”) between regional (e.g. British) and truly hemispheric or global-scale temperature changes. -mike]
Steve Funk says
“This, again gets at the important distinction, discussed here (see “myth #2″) between regional (e.g. British) and truly hemispheric or global-scale temperature changes.”
http://news.independent.co.uk/world/science_medical/story.jsp?story=487550
(There are probably much better sources) but the sixth century cooling is variously attributed to a comet or Krakatoa, neither of which happened in the western hemisphere. Why would one assume it is just a regional phenomenon?
[Response: It is very difficult to to diagnose the potential climatic response to a forcing we don’t even know (the climatic response to a comet impact is quite different from that to a volcano!). More directly relevant to your question, however, recent modeling studies suggest that an explosive tropical eruption associated with a relatively moderate radiative forcing (imposing perhaps only a few tenths of a degree C cooling in global mean temperature), may nonetheless be associated with much larger regional temperature responses in areas far remote from the actual eruption. These large regional responses result from changes in atmospheric circulation (basically, the pattern of undulation of the jet stream), that are influenced by the vertical and latitudinal gradient in the associated radiative forcing, and which redistribute warmth over the surface of the earth, but have little impact on the average surface temperature. See for example this article: Shindell, D.T., G.A. Schmidt, M.E. Mann, and G. Faluvegi 2004. Dynamic winter climate response to large tropical volcanic eruptions since 1600. J. Geophys. Res. 109, D05104, doi:10.1029/2003JD004151.” and references therein. -mike]
Steve Hemphill says
There seems to be a lot of dancing around Mann’s Hockey Stick. I have a simple question and am looking for just a yes or no answer:
If random numbers are put into Mann’s procedure, does a hockey stick shape result?
Thank you
Steve Hemphill
[Response: Thanks for your question, and the opportunity it provides for clearing up yet further “Hockey Stick” disinformation. First, I’ll give you a two word short answer: Absolutely Not! For a detailed explanation, see the new post “On Yet Another False Claim by McIntyre and McKitrick”.
Let me also politely take issue with your use of the phrase “Mann’s Hockey Stick”. Use of this term perpetuates the myth that “The Hockey Stick” Reconstruction is based solely on two publications by climate scientist Michael Mann and colleagues (Mann et al, 1998;1999). This is far from being the case. Secondly, the use of “Mann” alone dismisses the contributions of the other members of the team of researchers (Bradley and Hughes) involved in the Mann et al publications in question. -mike]